15/01/2011

Ceci n'est pas un article.

"La bêtise éternelle se manifeste notamment ces temps derniers en prétendant venu le moment où l'art dit "abstrait", "non-figuratif" ou "informel" - qui consiste à déposer de la "matière" sur une surface avec plus ou moins de fantaisie et de conviction.

Mais l'acte de peindre s'accomplit pour qu'apparaisse la poésie et non pour que le monde soit réduit à la variété de ses aspects matériels.

La poésie n'oublie pas le mystère du monde: elle n'est pas un moyen d'évasion ni du goût pour l'imaginaire, elle est la présence de l'esprit."


René Magritte

(1963, Préface au catalogue de sa première exposition à Genève (Gal. Alexander Iolas)

08/02/2010

Je ne suis personne

Je suis parvenu subitement, aujourd'hui, à une impression absurde et juste. Je me suis rendu compte, en un éclair, que je ne suis personne, absolument personne. Quand cet éclair a brillé, là où je croyais que se trouvait une ville s'étendait une plaine déserte; et la lumière sinistre qui m'a montré à moi-même ne m'a révélé nul ciel s'étendant au-dessus. On m'a volé le pouvoir d'être avant même que le monde fût. Si j'ai été contraint de me réincarner, ce fut sans moi-même, sans que je me sois, moi, réincarné.
Je suis les faubourgs d'une ville qui n'existe pas, le commentaire prolixe d'un livre que nul n'a jamais écrit. Je ne suis personne, personne. Je suis le personnage d'un roman qui reste à écrire, et je flotte, aérien, dispersé sans avoir été, parmi les rêves d'un être qui n'a pas su m'achever.
Je pense, je pense sans cesse; mais ma pensée ne contient pas de raisonnements, mon émotion ne contient pas d'émotion. Je tombe sans fin, du fond de la trappe située tout là-haut, à travers l'espace infini, dans une chute qui ne suit aucune direction, infinie, multiple et vide. Mon âme est un maelström noir, vaste vertige tournoyant autour du vide, mouvement d0un océan infini, autour d'un trou dans du rien; et dans toutes ces eaux, qui sont un tournoiement bien plus que de l'eau, nagent toutes les images de ce que j'ai vu et entendu dans le monde -défilent des maisons, des visages, des livres, des caisses, des lambeaux de musique et des syllabes éparses, dans un tourbillon sinistre et sans fin.
Et moi, ce qui est réellement moi, je suis le centre de tout cela, un centre qui n'existe pas, si ce n'est par une géométrie de l'abîme; je suis ce rien autour duquel ce mouvement tournoie, sans autre but que de tournoyer, et sans exister par lui-même, sinon par la raison que tout cercle possède un centre. Moi, ce qui est réellement moi, je suis le puit sans parois, mais avec la viscosité des parois, le centre de tout avec du rien tout autour. [...]
Pouvoir savoir penser! Pouvoir savoir sentir!

Fernando Pessoa, Je ne suis personne

23/01/2010

ÊTRE CONSCIENT

Être conscient est peut-être un oubli.
Penser serait peut-être un songe, ou un sommeil.
Et dormir, peut-être, pour un moment,
Notre esprit reprenant possession de lui-même.

Qui donc me dit que le rocher inerte et brut
N'est pas la véritable conscience -
L'extase sans fin d'une intelligence
Qui laisse être rocher son corps figé.

Seule la mort le dit -
Mais qui me dit qu'elle le dit?

Fernando Pessoa - Je ne suis Personne

02/09/2009

Soeren Kierkegaard - Le concept de l'angoisse - L'angoisse subjective

On peut comparer l'angoisse au vertige. Quand l'oeil vient à plonger dans un abîme, on a le vertige, ce qui vient autant de l'oeil que de l'abîme, car on aurait pu ne pas y regarder. De même l'angoisse est le vertige de la liberté, qui naît parce que l'esprit veut poser la synthèse et que la liberté plongeant alors dans son propre possible, saisit à cet instant la finitude et s'y accroche. Dans ce vertige la liberté s'affaisse. La psychologie ne va pas jusque-là et refuse d'expliquer outre. Au même instant tout est changé, et quand la liberté se relève, elle se voit coupable. C'est entre ces deux instants qu'est le saut, qu'aucune science n'a expliqué ni ne peut expliquer. L'homme qui devient coupable dans l'angoisse, sa culpabilité est aussi ambiguë que possible. L'angoisse est une défaillance féminine où la liberté s'évanouit, et psychologiquement la chute n'a toujours lieu qu'en état de défaillance; mais en même temps l'angoisse est la chose la plus farouchement personnelle, et nulle manifestation concrète de la liberté n'est aussi jalouse du moi que l'est le possible de n'importe quelle concrétion. On retrouve encore ici cet accablement qui détermine l'ambiguïté de l'individu, son état de sympathie et d'antipathie. Dans l'angoisse cet infini égotiste ne nous tente pas, comme lorsqu'on est devant un choix, mais nous ensorcelle et nous inquiète de sa douce anxiété.

31/07/2009

The hollow men

I an old man,
A dull head among windy spaces


The eyes are not here
There are no eyes here
In this valley of dying stars
In this hollow valley
This broken jaw of our lost kingdoms


This is the way the world ends
This is the way the world ends
This is the way the world ends
Not with a bang but a whimper
Thomas Stearns Eliot

27/07/2009

XIII

Léger, léger, très léger,
un vent très léger passe
et s'en va, toujours très léger;
je ne sais, moi, ce que je pense
ni ne cherche à le savoir.

F. Pessoa

07/06/2009

Une personne.

Tout effort est un crime, parce que toute action est un rêve paralysé.

Le seul mystère, c'est qu'il y ait des gens pour penser au mystère.

En l'appelant Dieu nous avons tout dit, puisque le mot Dieu ne possède aucun sens précis.

J'ai tout raté. Comme j'étais sans ambition, peut-être ce tout n'était-il rien.

Toute la création est fiction et illusion. La matière est une illusion pour la pensée ; la pensée est une illusion pour l'intuition ; l'intuition est une illusion pour l'idée pure ; l'idée pure est une illusion pour l'être. Dieu est le mensonge suprême.

La beauté est le nom de quelque chose qui n'existe pas et que je donne aux choses en échange du plaisir qu'elles me donnent.

Fernando Pessoa

25/03/2009

La vie que j'ai menée / M'empèche de me suicider (B.C.)

"Et la Vie, aussi laid soit son visage, mérite bien qu'on s'accroche trois ou quatre jours. Vous croyez qu'on va y arriver?"

"Toute activité créatrice complexe, comme la peinture, la poésie, le braquage de banque, la prise de pouvoir, te mène au point où le miracle et le danger se ressemblent comme des frères siamois. Ca ne marche pas toujours comme sur des roulettes, mais quand ca marche, la vie vaut vraiment le coup."

"Pour un homme qui meurt, la mort est toute la réalité; pour les autres, ce n'est que de la malchance ou un mauvais moment à passer."

"Un mauvais trip? Ce pays tout entier, cette planète est dans un mauvais trip, l'ami. Mais on t'arrêtera si tu avales une pilule."

"- Je crois tout de même que la révolution nous débarasserait d'un chié paquet de merde.
- Qu'elle gagne ou qu'elle perde, c'est du kif. La révolution nous débarassera d'un paquet de bonnes choses et d'un paquet de mauvaises. l'Histoire se fait très lentement. Moi, j'irai m'installer dans un arbre.
- Rien de tel pour observer.
- Ouais. Reprends donc de la bière."

"On ne manque pas de sociologues à faible quotient intellectuel aujourd'hui. Pourquoi j'en ajouterais, avec mon intelligence supérieur? On a tous entendu ces vieilles femmes qui disent: "Oh! comme c'est AFFREUX cette jeunesse qui se détruit avec toutes ces drogues! C'est terrible!" Et puis tu regardes la vieille peau: sans dents, sans yeux, sans cervelle, sans âme, sans cul, sans bouche, sans couleur, sans nerfs, sans rien, rien qu'un bâton, et tu te demandes ce que son thé, ses biscuits, son église et son petit pavillon ont fait pour ELLE. Et les vieux se mettent parfois dans une colère noire contre les jeunes: "Bon sang, j'ai travaillé DUR toute ma vie!" (Ils prennent le travail pour une vertu, mais ca prouve seulement qu'un type est taré.) "Les jeunes veulent tout pour RIEN! Ils s'abîment la santé avec la drogue, ils s'imaginent qu'ils vont suivre sans se salir les mains!"
Puis tu LE regardes:
Amen.
Il est seulement jaloux. Il s'est fait enculer, on lui a piqué ses plus belles années. Il meurt d'envie de baiser. S'il tient jusqu'au bout. Mais il ne peut plus. Donc, maintenant, il veut que les jeunes souffrent comme il a souffert.
La plupart du temps, c'est de ca qu'il s'agit. Les défoncés en font trop à propos de leur sacrée défonce et le public pareil avec l'usage de la drogue. La police se remue et les défoncés se font pincer, et ils se prennent pour des martyrs, tandis que l'alcool reste légal, tant que vous ne dépassez pas la mesure et que vous n'êtes pas pris dans la rue et mis en prison. Quoi que vous donniez à la race humaine, elle s'écorchera avec et vomira dessus. Si on légalisait la féfonce, on se sentirait un peu mieux aux Etats-Unis, mais pas tellement. Tant qu'il y aura des tribunaux, des prisons, des hommes de loi et des lois, les gens se défonceront.
Leur demander de légaliser la défonce, c'est un peu comme leur demander de beurrer les menottes avant de nous les passer. Quelque chose encore vous intrigue pourquoi ce besoin de drogue ou de whisky, de fouets ou de cuirs, d'une musique qui gueule si fort qu'elle emêche de penser, d'asiles, de chattes mécaniques et de 162 matchs de base-ball par saison, du Vietnam, d'Israël ou de la peur des araignées, de ton amour qui rince son dentier jauni dans l'évier avant de baiser?
Il y a des réponse de fond et il y a le petit bout de la lorgnette. Nous nous amusons toujours avec le petit bout de la lorgnette parce que nous ne sommes pas assez mûrs ou assez vrais pour dire ce que nous voulons. Nous avons cru pendant des siècles que c'était le christianisme. Nous avons jeté les chrétiens aux lions puis nous avons laissé les chrétiens nous donner aux chiens. Nous avonsc ompris que le communisme remplissait un peu l'estomac de l'homme de la rue mais qu'il ne changeait guère son âme. Maintenant nous jouons avec les drogues, comme si elles devaient ouvrir des portes. L'Orient a connu la drogue, bien avant la poudre à canon. Ils ont compris qu'ils souffriraient moins et qu'ils mourraient plus. Se défoncer ou ne pas se défoncer.
"On va à M-a-li-bouuu, mec, ouais, on va à Malllll-i-bOOUUU!"
Vous permettez que je me roule un peu de Bull Durham?
"Hé toi, tu veux une taf?"

Charles BUKOWSKI, Nouveaux contes de la folie ordinaire

23/02/2009

"Mon meilleur ami est un gorille de 9 mètres"

Hier soir, j'ai vu la dernière adaptation de King Kong.
J'envie cette beauté blonde que les producteurs ont voulu faire ressembler à N. Kidmann, mais c'est impossible, car elle a un nez qui eût changé la face du monde, et le monde n'a pas vraiment changé, bref cette décolorée à très certainement le cul bordé de nouille pour avoir obtenu le rôle principal du film (si on met de côté son meilleur ami numérisé) dont la principale difficulté est de jongler avec trois cailloux. Côté texte, quelle veinarde: même le porteur chinois qui se fait bouffer au début en a plus. Attention, je ne fais pas l'amalgame: c'est une blonde, donc elle ne peut pas retenir plus de deux phrases et demie, je dis juste que pour le film, les producteurs avaient besoin d'une blonde (pour l'effet de contraste avec le noir de jais du pelage de KK).
Bref, la belle se tape un rôle en or (en espérant qu'elle ne fasse pas de même avec le premier rôle), bien payée à sourire à l'écran, alors que la SPA n'a toujours rien fait pour ces pauvres T-Rex.

Si le cinéma, c'est Luc Besson et ses copains, alors le cinéma est mort.

22/02/2009

Sexe, politique, mensonges & art littéraire: un polar à briser une pierre tombale

L'Hebdo du 19 Février 2009

"Borges loin de Genève?

L'écrivain Jorge Luis Borges va-t-il quitter Genève, où il avait étudié dans sa jeunesse et où il est mort le 14 juin 1986? Sa "dernière demeure" au cimetière de Plainpalais pourrait bien ne pas être l'ultime: en Argentine, une députée péroniste (parti au pouvoir) va présenter un projet de loi pour rapatrier son cercueil à Buenos Aires l'an prochain, à l'occasion du 110e anniversaire de sa naissance. Mais ce projet se heurte à l'hostilité de sa veuve, Maria Kodama, qui s'indigne de voir les péronistes prétendre disposer ainsi de ses restes."

N'oublions pas que, quelle que soit la beauté de ce combat pour conserver J.L.Borges chez les Rois et mon envie de continuer à visiter son mausolée sans avoir à changer de continent, Maria Kodama est celle qui empêche la parution des oeuvres complètes en Pléïade de son défunt mari, pour des raisons qui vont à l'encontre des volontés littéraires du génial poète aveugle.